Mon ancienne chef m'avait dit que les exposés n'étaient pas, selon elle, de bons exercices pédagogiques (elle ne m'a jamais expliqué pourquoi, en fait, et je n'ai jamais demandé pourquoi non plus), mais bon, j'en fais faire régulièrement. Et arrive donc, pile poil avant les examens finaux, la semaine des exposés.

Vous savez ce qui est bien quand on est prof de langues? C'est que forcément, fatalement, on finit par très bien connaître ses étudiants. D'un côté, c'est lié à la matière: À force de simuler de situations de communication, à force de jouer des petits jeux comme le portrait chinois (excellent pour acquérir l'hypothèse), et tout ça de façon quasi quotidienne pendant des mois, on finit par faire un sacré bout de route ensemble. Autre façon de s'exposer. Bien entendu, au prof de trouver l'équilibre entre curiosité et indiscrétion. Mais quand en plus, le groupe est soudé, gonflé à bloc et motivé à mort, comme c'est le cas pour mon niveau E, hé ben je ne regrette pas d'avoir choisi ce métier-là. Même se lever à six heures du mat' devient supportable, c'est vous dire.

Prenons Martha, par exemple, la doyenne du cours. Pour son exposé sur Haïti, elle n'a pas hésité à visiter une expo, aller à l'ambassade de Haïti pour demander renseignements et photos, avec à la fin assez de matériel pour écrire un livre sur un pays où elle n'a jamais mis les pieds. Même chose pour Carlos, qui nous parle du Madagascar, et pour Erick, qui nous parle du Québec. D'autres ont choisi des thèmes artistiques: Orly nous parle de Beckett, le sujet de sa thèse, présenté de manière vivante, vidéos à l'appui. Jessica expose sur Godard; elle entrecoupe son exposé de devinettes et fait gagner des chocolats à son public (pas si con, comme idée, je vais tester ça dans un prochain cours). Malgré le support technique, CDs, DVDs et l'inévitable PowerPoint, tous sont nerveux au moment de prendre la parole. Alheli triture ces mains, malmène le feutre noir que je lui ai prêté (plus de peur que de mal, son exposé sur la famille française est imprégné de l'engagement social qui la caractérise, elle, l'anthropologue qui travaille dans une ONG à Santa Fé, un quartier où les rues n'ont pas toujours de nom). Quelques incongruités marrantes surgissent parfois, comme Tamara qui confond "chrétiennes" et "crétines", ou Karina qui abrège "consommation" de façon malheureuse, ce qui donne des affichettes style "Cons. Fréquence par pays" ou "Type de cons." Et puis, il y a les classiques, dont l'exposé sur les vins et fromages, avec dégustation obligatoire, chacun un bout de fromage et un coup de rouge à huit heures du matin, et en avant les choeurs!  

On dirait pas, comme ça, mais on vit entouré de gens formidables.

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