Nous disions donc?...

Oui, le problème qui allait se poser à l'IFAL dès l'immédiat après-guerre, c'est son rapport avec l'Ambassade de France, en trois mots: qui fait quoi? Quand on sait que l'IFAL est traditionnellement de gauche et l'Ambassade traditionellement de droite, on s'imagine aisément le nombre de conflits qu'il y a pu y avoir, non seulement en matière de compétences, mais aussi dans la façon de procéder. Dans ce petit livre qui raconte l'IFAL, un des auteurs fait état d'une grêve des profs au début des années 70, grêve "très contreversée" nous dit l'auteur pudiquement. Il y a dû y avoir plus que ça. 1968, c'est au Mexique l'année du massacre de Tlatelolco, fait autrement plus sanglant que le Mai 68 français. Je ne m'imagine pas l'IFAL transformé en fer de lance de la révolution, mais il me paraît tout aussi improbable que les profs d'alors aient continué comme si de rien n'était. Qu'ont-ils fait? Qu'ont-ils pensé? L'évènement remonte à 38 ans et déjà on a du mal à trouver des témoignages dignes de foi...

Vers le milieu des années 60, l'impression dominante est que l'âge d'or de l'IFAL est révolu. La société mexicaine bouge, les activités culturelles se multiplient et ne sont plus, même en matière de cinéma, le seul apanage de l'IFAL, qui du coup devient un institut parmi d'autres. Le ciné-club pourtant continue de fonctionner à plein régime: il n'y a peut-être plus de ces avant-premières mondiales spectaculaires, comme celles de certains films de Luis Buñuel, mais les cinéma de la Nouvelle Vague, c'est à l'IFAL qu'il passe. L'écrivain Carlos Fuentes dira plus tard que l'IFAL était une "oasis urbaine [...] où toute ma génération était allée apprendre le cinéma, la littérature et surtout la civilisation que nous pensions avoir, chacun à titre personnel, l'écrasante responsabilité de préserver".

En parlant d'écrivains, impossible de faire l'impasse sur le plus illustre de nos ex-collègues, J.M.G. Le Clézio, dont l'auteur du petit historique ne mentionne que le nom. Pour en savoir plus, il faut se plonger dans la biographie que Gérard de Cortanze a consacré à l'auteur; c'est assez savoureux. Le Clézio arrive comme "coopérant", ersatz de service militaire, en 1968. Il venait d'être renvoyé de Thaïlande, où il avait dénoncé la prostitution enfantine et s'était presque retrouvé en bataillon disciplinaire pour avoir failli à son devoir de réserve de coopérant. Je me marre. On craint bien sûr d'autres petits incidents du même calibre, mais en même temps, quel prestige pour l'IFAL, ce jeune auteur couronné du prix Renaudot dès son premier roman!.. Sauf que l'IFAL de l'époque, c'était plutôt costard-cravates et Le Clézio arrive en jeans et sandales, abuse de nicotine et aspirine et se nourrit de riz et légumes bouillis. Malaise. On lui fait donner des cours, il en profite pour faire écouter à ses élèves des chansons des Beatles. Re-malaise. Un hippie, Le Clézio? On pourrait le croire, mais rien à voir: sa culture lui vient de l'île Maurice et non d'Ashbury Haight. Certes, l'île Maurice à l'époque, c'est très loin... On finit par lui retirer les cours et le faire travailler dans la bibliothèque. C'est là qu'il prend connaissance des textes aztèques et mayas, qu'il fera éditer en français quelques années plus tard. Le Livre des Fuites, publié en 1969, portera la trace de ce premier passage au Mexique. Il y en aura beaucoup d'autres, de passages et de livres. 

A télécharger aujourd'hui, vous l'avez deviné, un spécial 1968:

Rubrique "c'est quoi ces chansons?": J'ai eu franchement du mal à choisir. Mettre les Stones? les Kinks? Hendrix? Pink Floyd? Finalement, une demi-douzaine de trucs un peu moins connus (sauf un) feront l'affaire. Commençons par Aretha Franklin: un titre signé Burt Bacharach, donc forcément moins vindicatif que les précédents Think ou Respect.

Ensuite le Deep Purple première mouture, flamboyant à souhait pour leur premier album, sans la gueulante de Ian Gillan ou plus tard David Coverdale, mais avec le chanteur Rod Evans, qui allait néanmoins être viré sans autre cérémonie deux années plus tard. La chanson est une reprise de Billy Joe Royal, à mon avis supérieure à l'original.

Les Australiens Easybeats avaient eu un grand succès avec Friday On My Mind; après, leur carrière a un peu traîné. Il y a pourtant des choses à redécouvrir, comme Land Of Make Believe justement. Pour la petite histoire, le guitariste du groupe, George Young, s'est mis plus tard à produire le groupe de ses deux frangins, Angus et Malcolm... Ça vous rappelle quelque chose? Si je vous dis Highway To Hell?...

Au Brésil aussi, ça bouge en 68, mais dans le mauvais sens. Caetano Veloso et son pote Gilberto Gil passent plusieurs mois en taule, puis ils s'exileront à Londres. Créateur du tropicalismo, mélange de rock et de bossa, Veloso est toujours actif, dernièrement en duo avec la Mexicaine Lila Downs pour la B.O. de Frida. Quant à son pote Gilberto, il est aujourd'hui ministre de la culture au Brésil. Comme quoi...

Chant du cygne pour les Byrds (okay, y a mieux comme jeu de mots...). David Crosby va bientôt quitter le groupe et former Crosby, Stills & Nash, supergroupe d'égomanes, laissant Roger McGuinn seul aux commandes. L'année d'après, les Byrds vont virer country, mais pour l'instant, ils sortent cet album absolument magnifique, The Notorious Byrd Brothers, pleine de luminosités californiennes.

Et puis, les Beatles. "What makes you think you're something special when you smile?" - le sarcasme lennonien éclate sur cette chanson, passé presque inaperçu sur la B.O. de Yellow Submarine. Ce n'est que récemment, lors de la sortie en DVD, que Hey Bulldog a été inclus dans le dessin animé. "Some kind of innocence is measured out in years" - c'est plus une chanson, c'est un almanach à citations...

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