J'avais pronostiqué en janvier dernier une année foot, une année Mozart. L'année foot, on l'a eue, l'année Mozart, pas tellement. Tâchons de réparer ça:

Alors oui, Mozart en 2006 et 2007, ça reste potable? L'époque ne semble guère se prêter au classicisme viennois bien ordonné, léger et lumineux. Non, s'il fallait choisir dans le répertoire dit "classique" des musiques en phase avec les temps qui courent, j'opterais plutôt pour le pré-baroque, les harmonies dissonnantes de Carlo Gesualdo, voires certaines chansons bordéliques de Clément Janequin du début du 16e siècle. On encore, plus moderne, le Stravinski violent des ballets russes, ou l'obscur mysticisme des sonates pour piano d'Aleksandr Scriabine, son contemporain. Mais Mozart?

D'accord, on ne va pas demander à un compositeur né il y a 250 ans d'exprimer une époque qu'il n'a pas connue, mais l'important, classique ou pas, c'est que ses oeuvres nous "parlent" encore à l'heure actuelle, qu'elles transcendent l'époque de leur création pour arriver jusqu'à la nôtre, en leitmotiv ou en contrepoint. Les oeuvres de Mozart, on l'aurait parié, continuent à nous parler, même en piochant dans de l'archi-connu. Trois exemples.

Rondo alla turca. Please allow me to introduce myself, I'm a man of wealth and taste... Mozart veut s'introduire dans la bonne société viennoise, donc rien de tel qu'une sonate qui se termine sur une petite turquerie comme c'est à la mode. La Turquie est toujours une grande puissance, mais n'inspire plus ces sentiments d'horreur suite aux invasions continues et finalement contenues. Au lieu de ça, la Turquie inspire maintenant la création de curieux gadgets: café, croissants - et même de la musique, celle des Janissaires, bruyante, percussive. Mozart s'en souviendra quand il composera l'accompagnement. Le public viennois est incapable de faire la différence entre musiques turques, tsiganes ou slaves, mais ce rondo est tout de même une petite chose bien calibrée. Mozart frôle l'hypocrisie, mais la frôle seulement, toute la différence est là. A télécharger: cette même turquerie.

Le Nozze di Figaro. Un vrai contrepoison contre les stupidités politiquement correctes et le fanatisme le plus crétin. Moins virulent que la pièce de Beaumarchais dont il est tiré (les censeurs de Joseph II veillaient au grain), cet opéra-bouffe étonne surtout par la l'espace donné à des scènes tout à fait prosaïques. Songez plutôt: l'opéra commence avec Figaro en train de prendre les mesures de la chambre qu'il habitera avec Susanna dès la nuit de noces, histoire de déterminer où placer quels meubles. On a vu des ouvertures plus prenantes... Anticipation de joies domestiques toutes roturières, qui bien sûr seront contrariés, mais à la fin, tout finit en chansons, des chansons qui pour les courtisans de métier sont autant de couleuvres à avaler. Jamais ils ne le lui pardonneront. Si vuol ballare, Signor Contino... A télécharger, le duo mesurant.

Eine kleine Nachtmusik. Mozart a composé pas mal de sérénades, suivant en cela une autre mode. Lorsqu'il compose celle-ci, alors qu'il travaille en même temps à Don Giovanni, la mode est passée. Qui plus est, Mozart traverse une mauvaise passe: succès qui n'est plus au rendez-vous, accumulation des dettes, de moins en moins de rentrées financières, Mozart fait figure de has-been (et non, ce n'est pas la faute à Salieri). C'est probablement en souvenir de temps meilleurs que Mozart crée cette sérénade, qui détonne par son optimisme - et qui va devenir une de ses oeuvres les plus connues. Où l'on s'aperçoit que la nostalgie peut donner lieu à des créations spectaculaires... A télécharger, le rondo final.

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