Imaginez que les supporters d'un parti politique, peu importe lequel, se mettaient à bloquer les Champs Elysées d'Étoile à Concorde et au delà jusqu'au Louvre, qu'ils y installaient des tentes, des pancartes à profusion, des buvettes, des stand d'infos et qu'ils annonçaient de faire durer le plaisir un mois durant. D'après vous, combien de temps s'écoulerait avant l'arrivée de Sarkozy et de son Kärcher? Exactement.

Au Mexique, ça se passe différemment. Depuis plus d'une semaine, Reforma, une des artères principales de la capitale, est bloquée par les partisans du PRD, et ils comptent bien y rester un mois. Tout ça parce que lors des élections présidentielles du 2 juillet dernier, le PAN avait gagné avec un inconfortable avance de 0,6% face au PRD. Le candidat de ce dernier, Andrés Manuel López Obrador, AMLO pour les intimes, longtemps crédité vainqueur par les sondages etc. bref, cria à la fraude et exigea le recomptage de la totalité des voix. S'ensuivirent des manifs, des déclarations intempestives d'un côté comme de l'autre, puis l'occupation de Reforma - je vous renvoie à Mickou qui a couvert les élections dans son blog.

Puisque Reforma est à deux pas de chez moi, autant aller y faire mon Rouletabille. Donc en route pour Amlopolis. Le PRD est supposé être un parti de gauche; je dis "supposé", parce que il n'est pas toujours aisé d'appliquer des critères européens au Mexique. Même que ce n'est pas aisé du tout. Il semble pourtant que depuis la déroute du PRI, parti qui avait été au pouvoir 70 ans durant, un clivage gauche-droite s'instaure ici - le PAN d'un côté, le PRD de l'autre. Je n'en dirai pas plus: au Mexique, il y a ce joli "article 33" qui stipule que tout étranger qui se mèle de politique mexicaine risque l'expulsion...

Amlopolis. Des tentes à n'en plus finir... Il est midi, tout est calme, à croire que les tentes sont abandonnées. Un écriteau dit "Excusez le dérangement suite aux fraudes électorales". Des fraudes, il est plus que probable qu'il y en ait eu; les instances officielles appellent ça "irrégularités" par euphémisme. Reste à savoir si un éventuel recomptage des voix servira les aspirations du PRD. Les PRDistes en tout cas en sont convaincus, comme en témoigne une multitude affolante de pancartes, écriteaux, banderoles, bouts de papier scotchés n'importe où. AMLO y est transformé en personnage de BD souriant, le pouce en l'air, les dents du devant offrant une vague ressemblance avec Bugs Bunny. Il y a beaucoup à lire. Les textes accusent le PAN, la télé qui serait proche du PAN (c'est vrai), ils insistent aussi sur le caractère pacifiste de leurs actions. Tant mieux; manquerait plus qu'une guerre civile. Un autre papier assure qu'il s'agit en fait d'un grand complot de l'église "ultraderecha" et des "nazis" du PAN. Oui, comme d'hab. D'une tente voisine me parviennent des bribes du Requiem de Mozart.

Le maire de Mexico est lui-même membre du PRD. Il ne va donc rien faire pour évacuer ses partisans. Le président au pouvoir, Vicente Fox, est membre du PAN. Il ne va rien faire non plus puisqu'il ne veut surtout pas que sa présidence se termine avec quoi que ce soit qui ressemble de près ou de loin à un bain de sang. Compliquée, la politique, hein?

Un jour après ma visite, le bureau électoral annonce le recomptage d'une petite partie des voix. Evidemment, ça n'a pas suffit à AMLO. On ignore pour l'instant si le PRD va bloquer une autre artère et même l'aéroport. Il reste environ trois semaines au bureau électoral pour publier définitivement le nom du président élu. Au point où on en est, ça risque de ne rien arranger, bien au contraire.

PS: La première du court-métrage d'Olivier a été un succès monstre. Me voilà donc star. Depuis quelques jours, je me promène avec des lunettes de soleil noires, deux gardes du corps biélorusses ex-Légion Étrangère et je tabasse les paparazzi (enfin, le dernier, après vérification, c'était juste un touriste; mon agent lui a fait parvenir une photo dédicacée à l'hosto).

Chanson de circonstance:

Télécharger: Depeche Mode - Everything Counts (mp3) - acheter

Rubrique "c'est quoi cette chanson?": J'ai bien conscience que je ne vous fais pas découvrir grand chose en proposant ce classique de Depeche Mode cuvée 1983, mais l'occasion était trop belle: "everything counts in large amounts". Je me rappelle d'ailleurs d'avoir acheté ce 45 tours à Londres dans un HMV, à une époque où il fallait encore faire le pélérinage outre-Manche pour en ramener un max de vinyle histoire d'épater ses potes au lycée. Ah yes, those were the bloody days, arf arf...

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