Toujours en parcourant ce fameux Cadre (cf. infra), il y a deux ou trois détails qui me turlupinent. Par exemple, pour le niveau C2, c'est à dire le plus haut niveau, qui correspond grosso modo à 800 heures de français, les caractéristiques en matière de compétences linguistiques disent entre autres: "Les écrits sont sans faute d'orthographe". Mazette... Inutile de dire qu'un très grand nombre de Français ne sont pas à la hauteur. Si on avait encore eu des doutes, la blogosphère a fini par le révéler de façon éclatante (et c'est toujours ça de gagné - ou de perdu).

Le texte du cadre est disponible pour les langues suivantes: le français, l'anglais, l'allemand, le basque, le catalan, le croate, l'espagnol, le finlandais, le friaulan, l'hongrois, l'italien, le japonais, le moldave, le portugais, le russe, le serbe, et le tchèque. D'autres documents, comme les grilles d'auto-évaluation, existent également en d'autres langues que celles mentionnées ci-dessus (turc, letton, bulgare etc.). Première constatation: le Cadre ne concerne pas du tout exclusivement les langues parlées dans l'Union Européenne. Bien entendu, le Cadre n'est pas une méthode de langue, il établit tout juste les critères d'évaluation pour l'apprentissage de n'importe quelle langue. On est quand-même en droit de se demander pourquoi ces langues-là et pas d'autres. En fait, le choix paraît pour l'instant assez aléatoire.

Seconde constatation: on a pris en compte les langues régionales (basque, friaulan, catalan). Il en manque (romanche, breton entre autres), mais c'est en somme une excellente chose. En même temps, je me demande pourquoi on a traduit le Cadre dans ces langues-là, puisque presque tout locuteur basque ou catalan est nécessairement bilingue. Et comme, je le répète, le Cadre pose des principes généraux et non pas les critères d'apprentissage d'une langue spécifique, je ne vois pas d'autre sens dans une traduction friaulane ou basque que l'affirmation d'une identité régionale. Bon, rien à redire jusque là. Sauf que, tout d'un coup, on dirait que s'en mèlent des considérations géopolitiques. Et là, ça commence à devenir épineux. Puisque si on se met à comprendre le Cadre comme document géopolitique, il suffit de le traduire en turc et la Turquie va pouvoir interprêter ça comme geste amical, puis comme argument supplémentaire pour se faire admettre en Union Européenne.

Cependant, ne pas traduire le Cadre en turc, ce serait ignorer le grand nombre de turcophones qui vivent et qui sont nés en Europe, en Allemagne plus particulièrement. De fait, le turc est avec plus de deux millions de locuteurs la deuxième langue parlée en Allemagne. Je tombe sur le site du département d'allemand d'une fac américaine et je m'aperçois qu'on y tient compte, de la minorité turque, peut-être plus que ne le feraient les facs européennes.

Le tout est de savoir si le Cadre européen s'accepte aussi comme document géopolitique et pas seulement comme document strictement linguistique. Si oui, comme le laissent supposer les traductions en basque ou en friaulan, on se retrouve devant un sacré dilemme: Faut-il donc le restreindre à une dimension géographique et historique (les langues qui se sont historiquement développées dans une certaine partie de l'Union Européenne) ou alors vaut-il mieux prendre en compte les langues extra-européennes que de fait sont parlées dans de nombreux pays de l'Union Europénne (donc aussi l'arabe et certaines langues africaines)? Tout dépend comment on définit l'Union Européenne...

Je peux me tromper, mais je n'ai pas l'impression qu'on a beaucoup réfléchi à ça en élaborant le Cadre.

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