Quittons les sujets sociaux et parlons musique; vous allez voir, ça va nous détendre. J'en profite pour inaugurer une nouvelle série irrégulière, les soirées classiques. Au programme aujourd'hui, Ralph Vaughan Williams, compositeur britannique (1872-1958).

Figurez-vous que, en étudiant la musicologie toute théorique, nous avions quand même quatre semestres de pratique obligatoires, soit orchestre, soit chorale. Evidemment, si on tâtait du piano, c'était franchement mal barré pour participer à l'orchestre, qui n'avait besoin que d'un (1) pianiste, et encore. Tous les pianistes étaient donc gentiment redirigés vers la chorale. Or, le fait de pianoter ne vous qualifie en rien pour le rôle du chanteur. J'ai dû faire partie de la plus mauvaise chorale du monde, composée à 99% de pianistes grognons. Voilà comment j'ai pu découvrir Vaughan Williams, au programme pendant un semestre.

Un compositeur britannique, donc. Vous en connaissez beaucoup? Bien sûr, à l'époque élisabethaine, Londres était un des centres musicaux d'Europe. Ensuite, il y a eu Purcell - et puis plus rien, que des imports: Händel britannisé en moins de deux, Haydn qui résida à Londres, comme plus tard Mendelssohn. Ce n'est que vers la fin du XIXe que l'Angleterre abandonnait sa position splendidement passive: Elgar, Holst, Britten, Howells et d'autres dont Vaughan Williams. Malheureusement pour eux, leurs oeuvres sont considérés comme trop british, un peu comme un Shepherd's Pie qu'on s'amuse à déguster sur place, mais une fois revenu d'Albion, no thanks. De plus, leurs musiques très tonales contrastaient avec ce qui se fabriquait à la même époque sur le continent. Ainsi, pas mal de dogmatiques dodécaphonistes reprochaient à leurs collègues anglais un certain passéisme. Il est vrai qu'on dirait parfois que les compositeurs britanniques de cette génération voulaient rattraper ce paradise lost: le XIXe siècle. Bon, et alors?

Premier morceau à télécharger, un extrait de la cantate Dona Nobis Pacem. Vaughan Williams, vétéran désillusionné de la guerre de 14, l'a composée en 1937, alors qu'une nouvelle guerre devenait de plus en plus probable. Basé en majeure partie sur la poésie de Walt Whitman, poète phare pour toute la génération 1900, Dirge For Two Veterans se présente comme une marche funèbre, entrecoupés de moments inquiets, de brusque triomphalisme, d'accents consolateurs. Durée: 11:05.

Pour Vaughan Williams, le goût pour la tonalité vient en partie de la très riche tradition du folk song anglais: chansons paillardes, mystiques, marines, le plus souvent anonymes qu'il adapte sans les dénaturer. Parfois aussi, il puise aux meilleures sources, comme pour ces deux chansons tirées de l'oeuvre de Shakespeare. Full Fathom Five nous vient de The Tempest, tout en contraste entre lourdeur terrienne et légèreté aérienne. Quant à Over Hill, Over Dale, chanson ultracourte, à peine une minute, elle est issue de A Midsummer Night's Dream et elle en garde la légèreté féerique.

 

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