17 ans avant, nous étions à Cologne, mes colocs et moi, scotchés devant notre petite télé installée sur la table de cuisine et nous n'en croyions pas nos yeux ni nos oreilles ni autre chose de sensible, incapables de réaliser ce qui venait de se produire: le Mur venait de tomber.

On avait l'impression que la planète entière ressentait la même chose, et finalement, on n'était pas loin du compte. Personne n'avait rien vu venir. Pas le chancelier Kohl, en visite d'état à Varsovie, qui aurait dit en apprenant la nouvelle: "J'ai envie d'un verre d'eau". Puis il a demandé à ses conseillers s'il était opportun d'abréger la visite et de rentrer en Allemagne.

En fait, l'ouverture du Mur en cette nuit du 9 au 10 novembre était elle-même le résultat d'un petit malentendu. C'est Günter Schabowski, membre du Comité Central, qui annonçait la nouvelle en conclusion d'une conférence de presse: les citoyens de la RDA seraient dorénavant libres de voyager à l'extérieur, donc de quitter le territoire et d'y revenir. Têtes des journalistes sidérés. Un correspondant de la presse italienne demande: "Ce sera valable quand?" Schabowski fouille une liasse de papiers, puis l'air déconcerté, répond: "D'après mes informations, c'est valable - c'est pour tout de suite, sans tarder."

Eh non, erreur de timing, la décision d'ouvrir le Mur n'était prévue que pour le lendemain à 4 heures du matin, et encore, l'information qu'on avait remise à Schabowski n'existait que sous forme de note provisoire. Peu importe, les médias de l'Ouest diffusent l'info: le Mur est ouvert. Des Allemands de l'Est commencent à affluer en direction du Mur. Les douaniers ne sont au courant de rien. Coups de téléphones intensifs. Et soudain, ça y est, des gens passent de Berlin-Est à Berlin-Ouest, accueillis par les Berlinois de l'autre côté qui n'en revenaient pas non plus. Tout le monde à crier "c'est dingue!", et ça l'était. 

Autour de la table de cuisine, aucun de nous pourtant ne ressentait l'envie de partir à Berlin pour y aller voir de nos propres yeux. On restait en ceci conformes à la bonhomie rhénane: les Prussiens font chier. Avec ou sans mur.

Pour en savoir pluis, un roman: Thomas Brussig - Helden wie wir, ou la traduction anglaise: Heroes Like Us - ça a été traduit en beaucoup de langues, mais pas en français. On se demande bien pourquoi.

... et un film: Goodbye Lenin - assez ambigu, finalement, avec sa façon d'osciller entre l'ironie et la nostalgie...

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Rubrique "c'est quoi cette chanson?": Ironie de l'histoire, cette une bande de hardeux considérés comme passablement ringards, originaires de Hanovre, autant dire l'Allemagne profonde, qui va résumer en une chanson les sentiments des millions de Teutons en passe d'être unifiés. C'est assez kitsch, mais le fait est là: pendant quelques mois, on se sentait tous comme ça. Ça tombe où ça tombe.

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