Oscar a au moins deux problèmes: il est en jeans et il est mexicain. On lui refuse donc l'entrée au lycée franco-mexicain où Sarkozy viendra tout à l'heure saluer la communauté française. Une minute plus tard, trois jeunôts, sans doute des élèves du lycée, en jeans et  - comme disait Coluche - blancs, normaux, passent sans problèmes. Protestation immédiate d'une amie d'Oscar, et la demoiselle d'entrée est bien obligée de céder - non sans minauder qu'ici, ce n'est pas le supermarché Leclerc. Oscar aurait pu être Vulcanien, promener un troisième oeil, des cornes et des traces de substance légèrement corrosive dans son sillage, il serait entré quand-même: en tant que conjoint, il était sur la liste des invités. Me suis rappelé que quand je faisais un petit boulot d'étudiant dans une grande radio, les types les plus arrogants, c'étaient ceux qui trimballaient les disques d'un étage à l'autre.


Nous y voilà donc, au lycée. Finalement, dans les 2.500 personnes sont au rendez-vous; je ne connais pas grand monde et puisque je suis en costard, donc déguisé, personne ne me reconnaît non plus. On passe d'une cour à l'autre. Pour faire patienter, la chorale du lycée entame un récital; beau boulot de la maîtresse des choeurs, qu'on sent dynamique, engagée et passionnée par son métier. Malheureusement, en raison d'une acoustique médiocre et surtout l'indifférence générale des gens, ils peinent à se faire entendre - habituel problème des "vedettes américaines", comme on disait à l'époque du music-hall. Les vraies vedettes arrivent avec quelques minutes de retard sur le planning. Tonnerre d'applaudissements, de cris, pas si différents d'un concert de Johnny, ou même de Carla. C'est sûr, Nicolas Sarkozy a des fans dans l'assistance, ce qui n'est pas étonnant: la communauté française de Mexico historiquement a toujours été ancrée à droite. On en entend, par conséquent, des "bravo monsieur le président", avec des accents circonflexes plein les voyelles.



Le drapeau européen était plus étoilé que le discours du président: des "je veux", des "il faut que", des "il n'est pas normal que", des "ça va changer" - rien que de très usuel tiré du Petit Manuel du Parfait Discours Sarkoziste. D'un autre côté, on n'attendait pas non plus un Appel du 18 juin. Ensuite quelques blagues, noyées dans l'acoustique, un hommage à son épouse qui tout dans son rôle de première dame ne va pas ouvrir la bouche (alors qu'une partie non négligeable du public espérait la chansonette).


Et puis surtout, l'évocation de l'affaire Cassez dont tout le monde parle, ici comme en France. Je ne vais pas entrer dans le débat sur l'innocence ou culpabilité de la Française, dont la peine vient tout juste d'être réduite à soixante ans de taule, puisque franchement, je n'en sais rien. En tout cas, il aurait été impossible de la ramener en France dans l'avion présidentiel comme certains forumistes français l'avaient craint ou espéré. Dans les forums mexicains, même les plus modérés des participants, ceux qui estiment qu'il y a bien quelque chose de pas net dans la justice de leur pays, étaient partisans du maintien de la prisonnière au Mexique. Cette commission bi-nationale chargée de réétudier l'affaire dans un délai de trois semaines est pour l'instant la meilleure solution. Attendons la suite.


Fin du discours, le choeur du lycée entonne les deux hymnes nationaux, la mexicaine d'abord, la Marseillaise ensuite. C'était d'ailleurs le seul vrai moment d'émotion de cette après-midi. Ça ne rate jamais, la Marseillaise. Le couple présidentiel va remercier la chorale, serrer quelques mains dans le public (Carla et Sarkozy), signer quelques autographes (Carla seulement). Et les voilà partis, nous laissant tous seuls, nous, le champagne et les petits fours.


Bon. Ça nous fait, voyons voir, trois billets sur Sarkozy tour à tour. Je pense que ça suffira pour l'année.

 

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